Le financement des sports au Togo est de tout temps la croix et la bannière pour les Responsables de Fédérations nationales sportives. Eux tous ne sont pas logés à la même enseigne que le Football, sport roi, qui engloutit la quasi-totalité du budget alloué par l’Etat pour la subvention des activités sportives. Malgré la signature des contrats d’objectifs entre le ministère des Sports et les présidents de Fédération, le Football est privilégié au détriment des autres Fédérations nationales Sportives alors même que les résultats ne suivent pas. Dans de pareilles circonstances, certains présidents de Fédérations, notamment ceux des sports individuels se sentent obliger de mettre la main à la poche pour faire participer leurs athlètes aux compétitions internationales avec à la clé des performances qui ne sont réalisées pour l’instant par les sélections nationales de Football. Jusqu’à quand ?
Ces dernières semaines, des athlètes togolais ont encore réalisé des performances au plan continental dans des sports individuels. Au championnat d’Afrique d’Escrime de Cape Coast au Ghana dans les catégories cadets et juniors, les représentants togolais sont retournés au bercail avec 4 médailles dans leur escarcelle. Au Tennis de table, Dodji Fanny au Tournoi Africa Top 16 a progressé de trois places au classement africain avant de terminer le Tournoi qualificatif pour les JO Tokyo 2020 à la 6e place sans toutefois se qualifier. Ces performances ont été réalisées au prix de sacrifice car selon les indiscrétions, ces Fédérations n’ont pas bénéficié de la subvention de l’Etat quoique les résultats parlent en leur faveur.
Le Football : beaucoup d’argents sans performance
L’organisation d’une rencontre de Football pour les Eperviers du Togo nécessite un budget de plus de 50 millions FCFA. En dehors de la prime de campement qui s’élève à 500.000 FCFA, les joueurs bénéficient de primes allant de 1,5 à 3 millions de FCFA en fonction des résultats des matches (nul ou victoire). Outre ces primes, les joueurs sélectionnés et le staff technique ont de meilleures conditions notamment l’achat de billet d’avion, l’hébergement, la restauration qui sont prises en charge. De telles dépenses sont faites à chaque journée où l’équipe nationale du Togo livre des rencontres comptant pour les joutes internationales ou lors des regroupements lors des journées FIFA. Si performance devait y avoir pour le Football togolais, il faut remonter à la qualification historique pour la Coupe du monde Allemagne 2006. Puis, il faut attendre plusieurs années avant qu’un nouvel exploit ne se réalise à la CAN 2013 en Afrique du Sud où les Eperviers du Togo ont disputé pour la première fois les quarts de finale de cette compétition. Malgré l’argent injecté dans le Football, les médailles se font toujours attendre. Pis, le Togo est mal en point au classement mondial avec une place de 126e alors que dans quelques semaines, l’équipe nationale locale participera à son premier CHAN de l’histoire au Cameroun en avril. Ce classement a d’ailleurs impacté le tirage au sort du CHAN. A cause de son mauvais classement, le Togo s’est retrouvé dans le chapeau 4 et n’a pas été ménagé se retrouvant dans le même groupe que le Maroc, l’Ouganda et le Rwanda, des habitués de la compétition.
Les sports individuels : des performances sans argent
Ce n’est plus un secret de polichinelle que les Fédérations des sports individuels au Togo sont presque laissées pour compte. Et pourtant, ce sont leurs athlètes qui récoltent des médailles pour le Togo dans des compétitions. Benjamin Boukpéti a été le premier togolais à avoir gagné une médaille olympique en Canoë-Kayak aux JO de Pékin 2008. En Aviron, grâce à Claire Ayivon qui a réalisé le minima au dernier championnat d’Afrique en 2019, le Togo s’est qualifié pour les JO Tokyo 2020. L’aventure des escrimeurs au Championnat d’Afrique cadet et junior, du pongiste Dodji Kokou Fanny au Tournoi Africa Top 16 et Tournoi Qualificatif Olympique (TQO), a été faite sans aucune aide de l’Etat.
L’escrime depuis quelques années honore le Togo à chacune de ses sorties en ramenant des médailles. Du 24 au 29 février dernier, la Fédération Togolaise d’Escrime a encore pris part au championnat d’Afrique cadet et junior au Ghana. En individuel, les escrimeurs ont remporté 3 médailles de bronze puis une autre en épreuve par équipe. En Tennis de table, Dodji Kokou Fanny a participé à deux tournois en l’espace d’une semaine à Tunis. Du 24 au 26 février, il a participé au tournoi Africa Top 16 où de la 11e place au départ de la compétition, il s’est retrouvé à la 8e place. Ensuite du 27 au 29 février, il a représenté le Togo au tournoi qualificatif pour les JO Tokyo 2020 avec une 6e place. Même si Dodji Kokou Fanny ne s’est pas qualifié pour les JO, il a eu le mérite d’avoir progressé dans son jeu et dans le classement et il n’a pas manqué de saluer la bravoure de son président de Fédération, « je dis merci à mon président de Fédération EDAH VAAST pour avoir poussé sa limite afin de m’envoyer à ces épreuves ». Le pongiste togolais qui évolue à Westchester TTC aux Etats-Unis d’Amérique n’a pas caché son amertume, « J’ai survécu aux tracas. Ce n’est pas le résultat que j’avais souhaité mais je suis quand même satisfait de ma performance car j’ai terminé 8e lors du Top Africa 16 et 6e aux essais olympiques qui n’est pas assez bon pour être qualifié pour Tokyo 2020 avec une blessure aussi mais je vais y survivre ». Après la participation des représentants togolais à ces échéances, les médaillés se glorifient juste de leurs métaux car s’il devait y avoir de primes, difficilement une enveloppe de 50.000 FCFA est offerte à chaque représentant soit le 1/10 de la prime de campement d’un joueur de l’équipe nationale de Football alors que tous vont défendre les couleurs nationales.
Cette disparité dans le financement des sports au Togo pénalise les sports individuels. Telle la FIFA publie le classement mondial chaque mois, les autres fédérations ont également leur classement. Pour les sports individuels, ces classements concernent les athlètes et pour être mieux classés, il faut gagner des points à travers les différentes compétitions organisées par les Fédérations internationales comme les Open, Grands Prix, Coupe du monde, Coupe continentale au Tennis de table, Taekwondo, Judo, Karaté. Les réalités sont autres dans d’autres disciplines comme le Tennis où il faut être régulier dans les circuits. Malheureusement, en l’absence de financement des Fédérations sportives nationales par l’Etat Togolais, les athlètes togolais régressent au classement mondial ou sont quasiment inexistants. Pour n’avoir pas participé à quelques-unes de ces compétitions de septembre 2019 à janvier 2020, Dodji Kokou Fanny a perdu 26 places au classement mondial. De la 194e place, il s’est retrouvé à la 220e place. Dès lors, la participation à une quelconque compétition place l’athlète togolais en situation difficile car au tirage au sort, il n’échappera pas à des adversaires de renom au premier tour. « L’Etat a l’obligation d’assurer la survie des Fédérations de Sports individuels. Il faut commencer par mettre le minimum à la disposition des Fédérations. Il est inadmissible qu’au vue des programmes d’activités d’une Fédération qu’on fasse signer un contrat d’objectifs qui n’est même pas respecté, ensuite demander une audience pour rencontrer le ministre des Sports et l’expliquer le bien-fondé d’une compétition afin qu’on vous alloue une subvention sur une quelconque ligne budgétaire qui ne correspondra même pas à vos attentes », s’indigne un observateur sportif.
Il donne l’exemple de la Côte d’Ivoire et du Niger en Taekwondo, deux pays voisins du Togo où les talents ne manquent pas. « D’autres pays ont compris en y mettant plus de moyens financiers. La Côte d’Ivoire et le Niger ont eu des qualifiés de plus pour les JO Tokyo 2020. Le Niger a désormais deux représentants et la Côte d’Ivoire trois. Il faut y croire pour arriver et le gouvernement togolais doit faire rêver la jeunesse à travers le sport », rappelle-t-il. Le Tennis n’est pas à épargner du financement avec de jeunes togolais talentueux qui peuvent être des espoirs de la petite balle jaune. Antoine Gbadoé, Charles Alipoé et tant d’autres se font un nom dans les circuits ITF/CAT qui leur permet de gagner des points et de gravir les échelons.
Le 17 février dernier, plusieurs présidents de fédérations africaines de Judo se sont retrouvés à Lomé en une journée de réflexion sur l’initiative de Déladem Akpaki, président de la Fédération Togolaise de Judo et de son homologue du Tchad, Me Abakar Djermah. L’objectif était de « mettre ensemble les points forts des différents pays pour que nous puissions dans nos pays respectifs améliorer et mettre en place une stratégie qui va permettre à ce que nos sportifs puissent avoir toutes les chances de médailles aux Jeux Olympiques Paris 2024 ou Los Angeles 2028 afin que l’honneur revienne sur le continent africain ». A la Fédération Togolaise de Judo, une vision est en marche depuis quelques mois avec deux Togolais : Noëllie Koro et Frédéric Olympio bénéficiaires d’une bourse de perfectionnement dans un centre d’excellence de Judo en France.
Sports individuels : pari à prendre
Les performances individuelles des athlètes togolais doivent interpeller le gouvernement surtout le ministre des Sports et le pousser à réorienter le financement de ces Fédérations de sport individuel. Comparativement à la FTF qui bénéficie de subvention financière de la FIFA, les instances internationales des autres disciplines allouent une subvention financière qui est convertie en dons de matériels et d’équipements sportifs. Quelques rares fois, elles mettent une aide financière à la disposition des pays en mauvaise posture au classement en invitant un athlète à une compétition mondiale.
Les athlètes ont besoin de s’aguerrir en dehors de leur talent naturel qui leur permet de se hisser au plan international. A l’Escrime, le Togo est toujours médaillé de bronze, juste parce que l’Egypte, la Tunisie ou encore l’Algérie leur sont des adversaires féroces. Une bourse pour les escrimeurs togolais leur permettra de rehausser leur niveau et de briser cette barrière. A défaut d’une bourse pour les meilleurs athlètes togolais, lorsque la Fédération dispose d’une subvention conséquente, elle peut se permettre de payer les frais de centre d’excellence en Europe qui s’élèvent à des milliers d’euros à son meilleur athlète dans le but de gagner un JO, une Coupe du monde, un Grand Prix, des Opens internationaux. Les résultats ont prouvé que les athlètes africains qui montent sur les podiums lors des grands évènements sportifs sont ceux issus des centres d’excellence. Pourquoi ne pas suivre cet exemple qui se révèle hyper productif en Côte d’Ivoire et au Niger ?
L’Etat doit de ce fait investir également dans les infrastructures sportives notamment le Hall des Sports. Il est à rappeler que les sports individuels n’ont pas de lieu d’entrainement digne de ce nom. Les pratiquants d’arts martiaux n’ont pas de dojo national, le Tennis de table s’entraine tantôt au réfectoire du Lycée de Tokoin, tantôt à Togo 2000, l’Escrime a une salle d’entrainement au Lycée de Tokoin. L’absence de ces infrastructures sportives engendre la non organisation de grands évènements au Togo qui puissent permettre à d’autres athlètes d’intégrer le classement mondial à travers leur participation. Aussi, il faut la nomination d’un ministre des Sports qui doit être à l’écoute de tous les Responsables de Fédérations Nationales sportives. Pas un ministre de Football qui rend visite aux Eperviers, va suivre les rencontres des Eperviers et se fait toujours représenter lors des évènements des autres Fédérations.
Le Comité National Olympique du Togo doit aussi accompagner lesdites Fédérations par l’octroi des bourses olympiques pour créer la compétitivité au sein de toutes les Fédérations nationales sportives et sous forme sélectives comme c’est le cas depuis plusieurs années.
Mawussé MELEGNA