– Les Eperviers éliminés du Mondial 2006 par « les primes »
Comme si c’était hier, les journalistes sportifs togolais, à l’initiative de l’AJST (Association des Journalistes Sportifs du Togo), ont à travers la première session de Talk Show revisité l’histoire de ce qui jusqu’alors se révèle la génération de grâce des Eperviers du Togo. Sous l’intitulé « 2006, année de grâce des Eperviers du Togo », les hommes de médias, un maillon essentiel de l’histoire du sport togolais et du football en particulier, sous la direction des débats à distance animés par Blaise Amédodji (Alias Blaisot Elzo), Directeur général de radio Taxi Fm et de Hans Masro, ancien président de l’AJST, et la modération de Franck Nunyama de Radio Sport Fm, ont échangé pour ressortir les points essentiels qui ont conduit à la qualification du Togo pour cette phase finale de Coupe du Monde Allemagne 2006, le rôle joué par les uns et les autres, le psychodrame de Wangen et ses conséquences, comment on en est arrivé jusque-là, ce qu’il faut en retenir pour se remettre sur la bonne marche…
Si ce Talk Show vient contourner le défaut de pouvoir organiser des activités en présentiel, du fait du mal du Coronavirus qui secoue toute la planète terre, le Togo y compris, il a été encore plus bénéfique aussi bien pour ceux qui ont vécu en live ces différents évènements d’éclairer la lanterne de ceux qui étaient à l’époque un peu loin, mais aussi des jeunes journalistes sportifs pour étoffer leur connaissance de cette étape très importante sinon la plus importante et sensationnelle de la pratique du sport roi au pays de Tommy Silvestre, Dr Kaolo, Dosseh Abalo, Sheyi Adebayor et autres.
De la qualification togolaise pour le Mondial aux évènements douloureux de Wangen …
De cette historique qualification des Eperviers du Togo pour cette phase finale de coupe du monde, on en retient des leçons. De Blaisot Elzo à Hans Masro en passant par les journalistes en toujours sur le terrain, on en tire trois leçons importantes. « D’abord, si les Togolais sont unis, ils sont imbattables. Donc c’est le résultat de l’union sacrée autour des Eperviers lors des éliminatoires qui a boosté le moral de nos joueurs. Si nous sommes unis, nous sommes forts. Deuxième leçon, nous ne sommes pas préparés pour aller à la Coupe du monde. il y avait eu un tout petit peu de l’amateurisme, et surtout les gens ont cherché le gain facile, au lieu d’être autour de l’équipe, les gens ont cherché leur profit personnel, ce qui a déjoué tous les pronostics, et puis les joueurs ont été aussi très gourmand, en demandant 50 millions de F cfa comme prime de qualification, mais finalement ils ont eu 30 millions de F cfa. On n’était pas préparé, on était dans l’euphorie. Mais est-ce que les dirigeants avaient la force, la taille nécessaire pour aller à la Coupe du monde ? Troisième leçon à tirer, c’est que les médias togolais sont des médias patriotes. Tous ont travaillé comme des journalistes français à l’époque et tout le monde tirait dans le bon sens », ce sont là des leçons ressorties par Blaisot. Et à sa suite, Hans Masro ne pouvait pas y cacher l’apport extraordinaire et le volontariat qui animait chacun des acteurs dans son registre.
Il est surtout marqué par le cas du match Zambie-Togo des éliminatoires. « On était en Zambie, il y avait un problème technique. On n’a pas pu avoir le câblage au niveau des satellites. Et donc, il fallait payer pour avoir une ligne téléphonique. Ce fut beaucoup d’argent. Et Tino Adjété, en tant que Trésorier, qui a dit c’est une affaire nationale, qui a sorti l’argent de sa poche pour payer la Zambie Telecom pour pouvoir avoir ce match en direct. Les gens ont joué des rôles dans l’ombre, dans leur leadership, dans leur amour pour la patrie, mais si c’était terminé en queue de poisson. Aussi, c’est lui qui avait fait venir Stephen Keshi. C’est autant de chose qui ont permis à l’équipe du Togo de se qualifier », même s’il regrette qu’ « après ce fut des querelles byzantines ».
De la sempiternelle question des primes…
En revisitant cette histoire du football togolais, on s’en résout au fait que l’élimination même du Togo de cette phase finale de coupe du monde est plus entrainée par la question des primes qui s’est posée à Wangen (qualifiée par certains confrères européens de « psychodrame de Wangen ») que par le jeu produit sur le terrain.
Sur le sujet, Blaisot Elzo est sans détour. « Joueurs mal habillés, des primes difficiles à avoir, sont entre autres sempiternelles problèmes » que rencontre les sélections nationales togolaises.
Si Hans Masro s’est montré réservé d’avant un chiffre sur la prime de qualification finalement perçue par chacun des joueurs il reconnait qu’ « il s’est effectivement posé un problème de prime a complètement vacillé la préparation des Eperviers en Allemagne parce que les joueurs avaient eu vent de la cagnotte, ce qui allait revenir à l’équipe du Togo et ils voulaient avoir leur part de gâteau. Ils exigeaient 50 millions de f cfa, il y a eu un blocage. La FIFA a dû intervenir pour dénouer la situation. Les joueurs et les membres du staff sont rentrés dans leur droit. Difficile à dire combien chacun a eu. Toujours est-il qu’ils sont rentrés dans leur droit, mais ça reste une page douloureuse même si elle a été tournée. La plupart des problèmes qui persistent aujourd’hui tire leur source de cette page de 2006 en Allemagne ».
Pour sa part, Blaisot comprend visiblement cette réaction des joueurs par le fait que ces derniers se disaient « que s’ils n’avaient pas ça, ils n’allaient plus avoir l’occasion de jouer la coupe du monde. Et finalement, tous ont eu 30 millions de F cfa comme prime de qualification. La FIFA avait entre-temps envisagé renvoyer l’équipe à la maison, avant de débourser une partie de l’argent en liquidité pour leur donner pour leur prime.
Par après, selon une confidence du président de la FIFA, Blatter, rapportée par le président de la FTF, Rock Gnassingbé, à son retour au chevet du football togolais que, « contre la Suisse, le penalty sur Adebayor devait être sifflé pour le Togo, mais on a tout fait pour vous renvoyer à la maison parce que vous allez faire capoter l’organisation de cette messe mondiale ». Et donc tout est fait pour vite faire rentrer les clowns comme nous appelaient les occidentaux. Hum, vraie ou fausse une telle confidence ?
Que faire pour se remettre sur les traces de cette génération perdue ?
C’est la grande interrogation qui dure déjà depuis 14 ans. La question a été abordée dans ce premier Talk Show de l’AJST sur deux volets. Celui des accompagnateurs de cette sélection togolaise et aussi celui même de l’effectif et du staff qui le gère.
Tous ces volets sont contenus dans une litanie d’interrogation de Hans Masro. « Est-ce que aujourd’hui les supporters sont unis ? Est-ce que aujourd’hui les hommes et les femmes de médias sont unis ? Est-ce que les acteurs qui sont dans l’administration du football au Togo sont unis ? Est-ce que le public togolais dans son ensemble est uni ? Si on peut répondre à ces questions, on aura fait l’essentiel du chemin. Toute la complexité est à ce niveau. Lorsqu’on était uni, on a soulevé des montagnes. C’est ça la force du « nous » et non du « je » », qui est suivi par un des confrères qui se demandait, « est-ce que nous avons une équipe nationale digne de ce nom ? ».
Mais alors, que faire pour que l’équipe redevienne performante ? A cette question, Hans répond, « il faudrait qu’il y ait du sérieux dans la gestion de cette équipe nationale, à commencer par le staff technique. Il faudrait qu’on ait un staff technique à la hauteur, capable de faire des choix de manière objective, et de mettre des joueurs qu’il faut à la place qu’il faut, parce que lorsqu’on voit ce qui se passe aujourd’hui ça fait vraiment très mal au cœur que l’équipe du Togo ne fait plus peur à qui que ce soit. Et pourtant, il y a des joueurs qui auraient pu faire l’affaire mais apparemment, ces joueurs ont eu maille à partir avec le sélectionneur Claude Le Roy, ce qui explique ces difficultés. Et le Togo est la risée en matière de résultat ». Son compère Blaisot Elzo pour sa part s’attarde sur l’apport que peuvent faire les confrères journalistes. « Comment faire pour que les deux associations (de journalistes sportifs) se retrouvent pour en arriver encore à une seule association. Ce que nous sommes en train de faire ici c’est pour reconstruire notre équipe nationale mais objectivement parlant, on n’a plus de grands joueurs. Travaillons à médiatiser notre football », a-t-il lancé comme appel parce qu’il est plus que convaincu de ce que, « on ne peut pas être des confrères et se tirer entre les pattes ».
Conseil utile de Blaisot à un jeune journaliste et partant à tous, sur ce chantier, « Baisse la tête travaille, un jour ton nom va travailler pour toi ».
Le rendez-vous est pris sur Vendredi prochain pour un second numéro de ce Talk Show sur les perspectives pour le football togolais.
Mathias G.