Le 6 mars 2020 date à laquelle le Togo a enregistré son premier cas de contamination au Coronavirus, seule la FTF était en compétitions nationales. Les autres Fédérations Nationales Sportives n’étant pas logées à la même enseigne que la FTF en termes de financement des activités, certaines d’entre elles avaient le calendrier d’activités pour le compte de l’année 2020 élaboré, d’autres dont les athlètes revenaient de compétitions internationales et d’autres athlètes étaient en préparation. Depuis le 16 mars, toutes les Fédérations Nationales Sportives sont aux amarres par une décision du gouvernement. Il faut dès lors combattre ensemble l’ennemi invisible : le Covid-19 et cela nécessite une attente.
En Conseil des ministres extraordinaire tenu le 16 mars 2020, le gouvernement togolais a pris diverses mesures dont l’interdiction de tout rassemblement de plus de 100 personnes sur toute l’étendue du territoire national pour un mois. Dans la foulée de cette décision, le ministre des Sports, Katari Foli-Bazi, et le président du Comité National Olympique du Togo (CNO-Togo), Azaad Kélani Bayor, ont rencontré les présidents et secrétaires généraux des Fédérations le vendredi 20 mars au cabinet du ministère des Sports pour leur expliquer le bien-fondé de la décision du gouvernement et surtout appeler aux respects des mesures barrières contre le Covid-19. Les difficultés paraissent égales au sein des différentes Fédérations Nationales Sportives que ce soit les disciplines sportives individuelles ou collectives avec l’apparition du Covid-19.
Calendrier des activités : trouver la bonne formule
Généralement les Fédérations des sports collectifs comme le Handball, Basket-ball et Volley-ball par exemple annoncent le début des activités au sein de leurs démembrements qui sont les Ligues à partir du mois de mars. A la Ligue Lomé Golfe de Volley-Ball, un membre influent de ladite Ligue nous a informé que « toutes les activités sont suspendues en raison du Covid19. Bien évidemment la saison en cours a été bouclée depuis quelques mois. Les équipes qualifiées n’attendent que le championnat national ». La Fédération Nationale de Basket-Ball (FNB-Togo) dans un communiqué en date du 17 mars a invité tous les acteurs sportifs émanant de sa juridiction à mettre en pratique les mesures prises par le gouvernement. « Le Covid-19 a perturbé le planning de la Fédération. Deux formations des entraineurs FIBA dont une était en cours sont suspendues. En marge du championnat de la Ligue Lomé Golfe de Basket-ball, une session de formation de renforcement de capacités des entraineurs locaux était programmée et une autre pour les animateurs des centres de formation pour améliorer le travail qui est fait sur le terrain. On espère bien réaliser tout ce programme bien après le Covid19 », se console Fafadji Johnson, Expert FIBA et Directeur Technique National adjoint de la FNB-Togo. Ailleurs, au Handball, ça parait plus compliqué. « La Fédération Togolaise de Handball préparait son Assemblée Générale élective avant l’avènement du Covid-19. Du coup tout est bloqué dans la mesure où c’est la nouvelle équipe qui est censée prendre la relève pour démarrer la nouvelle saison. Les anciens dirigeants ne tiennent plus et sont pressés de partir et la Ligue Lomé Golfe n’est pas prête non plus pour continuer avec eux. La saison est en attente », a expliqué Jacques Gabiam, président de la Ligue Lomé Golfe de Handball.
Depuis le mois de novembre 2019, Nathalie Noameshie, troisième Vice-présidente du CNO-Togo et deuxième vice-présidente de la Fédération Togolaise de Volley-ball et lauréate Femme et Sport du CIO, a entrepris un projet dénommé « Projet de développement du sport par le Volley-ball féminin ». Après la détection des filles de grande taille pour un programme d’initiation à la pratique du Volley-ball lors de la première phase et l’entame de la deuxième phase avec la distribution des matériels didactiques et sportifs, Nathalie Noameshie se réjouit de l’atteinte de ses objectifs, « Heureusement les encadreurs ont déjà procédé à la prise des mesures anthropométriques notamment la taille, le poids et l’envergure des bras filles sélectionnées dans les centres. Ces mesures sont importantes pour le suivi du projet. A titre d’exemple au centre de Kpalimé, la plus grande des filles est l’élève Chérifa Kayo en classe de cinquième et elle mesure 1m79. Au centre de Kara, la plus grande fille est l’élève Régina Cynthia Walla qui mesure 1m76 », avant de relativiser, « le Covid-19 a impacté tous les domaines de la vie humaine et dans tous les pays du monde. Si le CIO a reporté les Jeux Olympiques en 2021 ce n’est pas notre projet sur l’échelle nationale qui n’aurait pas à subir des changements. Nous attendons les nouvelles dates de reprises de l’année scolaire pour modifier le calendrier de nos activités ».
Le Covid-19 est le grain de sable qui a bloqué le déroulement des activités sportives.
Les athlètes : juste de la patience
Les athlètes sont les grands perdants suite à la suspension des activités. Beaucoup auront perdu des réflexes de techniques à la reprise des compétitions. En ce temps de Covid19, eux tous sont soumis au régime de mise en forme. L’ancien N°1 du Togo en Cyclisme, Abdou-Raouf Akanga basé à Kpalimé adopte le Home Training en cette période de confinement pour se maintenir en forme. « Depuis l’interdiction de l’inter-ville pour deux semaines, je ne peux plus rouler sur la route. Maintenant, je fais des entrainements de Home training avec du vélo qu’on peut rouler sur place, je fais de la musculation, des séances de gainage », a partagé le cycliste togolais avec ses abonnés dans une vidéo diffusée sur les Chaines Canal+ et postée sur les réseaux sociaux. Des recommandations sont faites également aux athlètes par les encadreurs. Elles varient d’une discipline à l’autre. Pour les disciplines d’arts martiaux, « le conseil que je donne à mes élèves c’est de faire une bonne place aux entraînements individuels dans leur emploi du temps et de travailler régulièrement les acquis. Je fais le suivi en leur demandant de me poster des vidéos de leur entraînements personnels. Aussi, je leur suggère de réviser les leçons déjà reçu en y mettant du sérieux comme si j’étais suis présent », a expliqué Aboubakar Shabi encadreur de Wushu Club «Le Temple Du Dragon» (Luomei Shaolin Gongfu Xuexiao). A la Fédération Togolaise de Taekwondo (FTTKD) qui au travers d’un communiqué a suspendu toutes les activités jusqu’à nouvel ordre, le Directeur Technique National, Josélito Dégboé, ceinture noire 6e Dan, conseille aux pratiquants, « en ce moment où il n’y a plus de séances d’entrainement collectives, de continuer les entraînements personnels à la maison en révisant les gestes et mouvements appris pour un maintien de la forme, faire du jogging pour 30 minutes, renforcer la ceinture pelvienne en faisant les exercices d’abdominaux, de dorsaux, des obliques, des pompes ou flexions, des exercices d’étirements, d’assouplissements, d’explosions, répéter certains mouvements d’attaque et de défense afin d’éviter de faire de surplus de poids à la reprise ». Par ailleurs, Abdou-Raouf Akanga demande de la patience aux sportifs, « on reste chez soi, essayer de patienter. Le fait de s’entrainer et de n’avoir pas un objectif proche et le stress du coronavirus ne sont pas faciles à gérer ».
En Athlétisme, les athlètes ont des spécialités auxquelles ils sont soumis dans les différentes épreuves (de demi-fond, de fond, sprint, lancers de disque, de marteau, de poids ; etc.). Selon l’Expert togolaise de l’IAAF devenue World Athletics, Tchakondo Balikissou, l’arrêt des entraînements et des compétitions puis le report de certaines auront un impact négatif sur la performance des athlètes. Toutefois, « le développement de chaque capacité physique s’inscrit dans des objectifs fixés dans le plan global et spécifique de l’entraînement de l’athlète. La planification de l’entraînement implique la prise en compte de plusieurs paramètres également. De ce fait, il faut avoir tous ces éléments avant de pouvoir organiser quoi que ce soit », a-t-elle relevé et par conséquent, « je ne peux prescrire d’exercices à un athlète que ce soit, quelque soit la discipline. Par contre, afin de garder la forme pour la reprise des activités, tout athlète a besoin de faire du jogging, du vélo ou encore des exercices de renforcement musculaire chez lui. C’est une question qui est générale à tous les sports et à tous les secteurs d’activités », a-t-elle suggéré.
Contrairement au Football où les présidents des équipes de première et de deuxième divisions versent des salaires mensuels et des primes de victoire aux joueurs, dans les autres disciplines sportives, les associations sportives ne bénéficient pas de subventions financières de leurs fédérations comme c’est le cas à la FTF. La réalité est tout autre. Les responsables de clubs ou parfois les encadreurs se font le devoir de faire payer une prime de déplacement aux athlètes après une rencontre de compétition officielle. La quasi-totalité des joueurs des différentes équipes issues des Fédérations Nationales Sportives sont sans salaire mensuel et les présidents de clubs ont leur poche au repos en ce temps de Covid-19.
Les arbitres : un perpétuel recommencement
La situation vécue par le monde entier en ce temps de pandémie de Coronavirus est inimaginable selon Atsou Anato, arbitre international de Beach-volley. « Je ne pourrais jamais imaginer un jour ne pas pouvoir toucher au ballon de Volley, ne pas pouvoir serrer la main des joueurs à la fin d’un match… Inimaginable. Je ne pourrais plus ressentir cette magie des matchs de volleyball pendant les weekends… », a-t-il avancé. Il met à profit ce temps de confinement pour revisiter les lois de jeu. « Je prends de mon temps à lire les règles officielles qui régissent la pratique du Beach-volley, les guidelines et les casebook qui sont des documents officiels qui identifient mieux comment bien officier un match de beach-volley, aussi répéter les gestes officiels devant le miroir. Histoire de perfectionner l’esthétique des gestes qui traduisent la nature des fautes et des décisions que vous aurez à prendre sur un match », a-t-il confié. Son collègue Serge Akoussah, arbitre international au Basket-ball ne déroge pas à la règle, « mise à part la lecture régulière des règles de jeux et surtout celle des interprétations qui découlent de ces règles associées à des Questions à Choix Multiples (QCM), je pratique des exercices physiques en un circuit training (les jumping jack, les squats, le gainage, les pompes…) », a-t-il précisé. Pour le maintien de sa forme, Atsou Anato préconise « un peu de musculation, d’aérobic et de marche pour ne pas prendre du poids à la reprise des compétitions » car d’aucuns diront que les arbitres de Beach n’en ont pas besoin. Mais il tient à préciser que chaque année, « les arbitres internationaux fournissent un certificat de santé qui comporte entre autres l’index de masse corporelle, le poids, la taille, la circonférence abdominale, l’acuité visuelle, la tension artérielle et les résultats d’un test de Cooper à effectuer ». S’il espère une reprise rapide des activités afin d’avoir des désignations pour officier sur les rencontres internationales, Serge Akoussah nous renseigne que « les matchs visualisés pour corriger les erreurs faites par le passé pendant cette période de confinement ne peuvent que me permettre d’être opérationnel à la reprise des activités ».
Tous les acteurs sont confiants et gardent espoir à un retour rapide à la compétition. Mais c’est sans compter les dégâts collatéraux occasionnés par l’arrêt des activités dans la vie des institutions sportives.
Covid 19 : Les Fédérations prennent un coup
En difficulté financière suite à l’absence de subvention de l’Etat et de sponsoring des sociétés, les Fédérations Nationales Sportives ne voient que leur situation s’aggraver avec l’apparition du Covid-19. La Fédération Togolaise d’Escrime est l’une des instances nationales à avoir organisé cette année une compétition au plan national et participé aux championnats d’Afrique cadet, junior et minime à Cape Coast au Ghana du 24 au 29 février 2020. Si le Togo a glané quatre médailles de bronze à cette compétition africaine, le Maitre d’armes Victor Lamégah, président de ladite Fédération est asphyxié par les dépenses engagées. « Notre trésorerie a reçu un grand coup de massue avec la rupture des contrats de quelques sponsors et aussi le non versement de la subvention de l’Etat qui devait nous aider à faire face aux dépenses engagées pour l’organisation de la phase finale du championnat national U20 et U15 à Lomé les 1er et 02 février 2020 et les championnats d’Afrique des jeunes », se plaint-il. Le président de la Ligue Lomé Golfe de Handball, Jacques Gabiam, aborde également l’aspect financier car « la suspension des activités engendre forcément l’impossibilité de trouver les moyens nécessaires de notre politique en ce moment où l’Etat ne subventionne plus les Fédérations et que les sponsors et mécènes sont logés aux mêmes enseignes. Leurs activités lucratives sont réduites et leurs possibilités de financer les activités sportives sont arrêtées ». Les difficultés financières touchent également l’administration de certaines fédérations. Et le Maître d’armes Victor Lamegah de plaider pour un accompagnement exceptionnel de l’Etat. « Sur le plan financier, le ministère en charge des Sports doit mettre en œuvre un mécanisme de compensation des fédérations nationales sportives pendant que les activités sont arrêtées. Nous avons du mal à entretenir les athlètes, les clubs, les Ligues, l’encadrement technique et l’administration », a-t-il souligné.
Autres difficultés, la Ligue Lomé Golfe de Handball est la seule discipline sportive collective qui organise la compétition de jeunes simultanément que la catégorie senior. Jacques Gabiam déplore que « la redynamisation entamée à la Ligue avec l’association des championnats cadets et juniors, se trouve affectée et perturbée désormais. La passion qui anime ces catégories depuis deux ans avec leur participation à des compétitions africaines, va s’éteindre progressivement si la suspension dure encore ». Il craint la démoralisation et l’ennui qui va s’installer chez ces jeunes tout comme la démotivation. Toujours au plan psychologique, Serge Akoussah, arbitre international de Basket-ball a parfois des doutes. « Des heures d’entrainement et de prestation sur le terrain sont passées à zéro minute ce qui impacte sur le mental. Cette situation a failli m’amener à une paresse sur la pratique du sport à la maison », témoigne-t-il.
En cas de reprise des activités sportives, malgré quelques inquiétudes soulevées çà et là, les acteurs sportifs sont optimistes. Les difficultés au plan technique et physique, il va en demeurer et Balikissou Tchakondo, l’Expert World Athletics en appelle à la conscience des athlètes. « Tout est question du niveau de pratique de chaque athlète et de sa conscience de continuer par faire des exercices seul à domicile. Le physique peut peut-être au rendez-vous si l’athlète à domicile est en mesure de faire des exercices pour développer sa forme physique. Quand à la technique, c’est compliqué il faut toujours quelqu’un pour observer les gestes, les analyser afin d’apporter des corrections. Les difficultés à la reprise seront fonction du niveau de pratique de chaque athlète », a-t-elle relevé. Son collègue Expert FIBA, Fafadji Johnson, énumère les problèmes auxquels seront confrontés les entraineurs à la reprise et fait appel à leur vigilance. « Le premier problème sera la diversité sera au niveau de la forme des joueurs. Celui qui a travaillé sera plus ou moins prêt que celui qui n’a pas travaillé. Le second problème est que le Basket-ball est fondé sur l’adresse, il va y avoir ce problème qui va se poser aux entraineurs. Il faudra qu’un travail se fasse pour que les joueurs retrouvent l’adresse. Si les entraineurs sont assez avisés, ils ne vont pas tabler sur les individualités mais reprendre complètement le collectif puis progressivement revenir aux individualités. Dans un troisième temps, il faudra que les entraineurs soient vigilant pour pouvoir déceler ce qui se passe dans leur équipe et savoir où orienter les premières séances d’entrainement » en guise de conseils. Nathalie Noameshie dont le projet va contribuer au développement du Volley-ball féminin est sereine quant à l’avenir. « La reprise sera dynamique puisque les pratiquantes n’attendent que cela. Et puis les jeunes ont une force et une capacité d’apprentissage très élevée. Les encadreurs auront à corriger les baisses techniques par des séances spécifiques », rassure-t-elle car comme souhait, « nous espérons qu’au terme du projet, il y aura la constitution d’une pépinière de joueuses de grande taille pour les sélections nationales cadets et juniors avec l’amélioration du niveau de jeu des joueuses du volleyball ». Mais avant d’arriver là, il y a la phase d’initiation. « Après cette phase d’initiation, il faut des compétitions pour améliorer les compétences techniques et tactiques des joueuses et ce sur le plan national avec l’organisation des championnats cadets et juniors. Ensuite les joueuses des centres seront sélectionnées dans l’équipe nationale féminine cadette et juniore pour participer aux compétitions internationales de volleyball pour améliorer leur performance et avoir un meilleur classement sur l’échiquier zonales, continentales et internationales de Volley-ball », a-t-elle rappelé.
Les différents acteurs sportifs invitent la population au respect des mesures barrières recommandées par l’Organisation Mondiale de la Santé et le gouvernement togolais. Et tout le monde y va de son message de réconforts. « Aucune médaille d’or, aucune victoire ne peut remplacer une vie, s’il faut perdre des mois, même une année, pour refaire le sport qu’on aime, les compétitions, ce sera chose faite », est le message adressé à Abdou-Raouf Akanga à ses fans. L’arbitre international de Beach-volley invite les uns et les autres à s’identifier à un sportif qui est un modèle, « soyons des modèles en ces moments difficiles, inspirons les autres à respecter et adopter les gestes barrières. Nous allons gagner la compétition contre le Covid-19. C’est sûr. Passons à l’action, inspirons le changement ». C’est en étant en bonne santé, qu’on peut pratiquer le sport alors faisons de sorte qu’à la reprise tout roule comme s’il n’y avait pas eu un temps mort des activités sportives. Continuons de sensibiliser autour de nous jusqu’à ce que nous soyons de nouveau en mesure de nous retrouver sur nos terrains respectifs.
Mawussé MELEGNA