Les Jeux Olympiques Tokyo 2020 décalés en 2021 en raison de la pandémie à Coronavirus ont pris fin le 8 août dernier avec la participation du Togo dans quatre disciplines : l’Aviron, le Tennis de table, la natation et l’Athlétisme. Comme les éditions antérieures, à l’exception de Beijing 2008 où Benjamin Boukpeti a remporté la médaille de bronze, la toute première de l’histoire du Togo à ces jeux, l’histoire s’est répétée pour la délégation togolaise qui est retournée au pays sans le moindre métal dans ses escarcelles. Un bilan s’impose pour tirer les leçons de cette participation car l’édition prochaine est déjà à nos portes. Paris 2024, c’est demain.
Ces JO d’été de Tokyo surnommés les ‘‘Jeux de la Pandémie’’ en raison de la crise sanitaire qui sévit dans le monde entier ont suscité doute et inquiétude. Néanmoins le pari a été tenu par le pays organisateur, le Japon. Sur les aires de compétition, les athlètes ont laissé passer la peur de la pandémie pour défier leurs adversaires ou les chronos selon les épreuves. Parmi les quatre représentants togolais à cette fête olympique, le public sportif togolais croyait en une chance de médaille avec Claire Akossiwa Ayivon, la porte-drapeau de la délégation. Elle en avait d’ailleurs fait la promesse lors de la cérémonie de remise de drapeau à Lomé. Mais au finish, le constat est clair : les résultats escomptés n’ont pas été atteints, pas par faute d’avoir essayé mais parce que les adversaires en termes de préparation étaient au-dessus de la mêlée.
Les JO : une préparation de longues années
A ces JO de Tokyo, l’Afrique a fait bonne figure avec 37 médailles gagnées dont 11 en or. Des athlètes ont connu des moments de joie pour avoir remporté un métal, certains pour avoir fait des exploits -réalisé ou battu un record- et d’autres des moments de peine pour avoir raté de peu un métal ou carrément passé à côté de la compétition. De ces deux tableaux qui se présentent, les athlètes togolais font partie de ceux qui ont raté leur compétition. La 31e et avant dernière place occupée par Claire Akossiwa Ayivon dans l’épreuve de 2 km Skiff femmes, l’élimination au premier tour de Dodji Kokou Fanny au Tennis de Table, celle de Damien Otogbé au premier tour du 50 mètres nage libre après avoir terminé premier de sa série, puis de Fabrice Dabla suite à sa disqualification pour faux départ au deuxième tour du 100m hommes. Les chronos qui sont réalisés par les Togolais sont loin de ceux des athlètes qui sont montés sur le podium. Le sprinteur Fabrice Dabla dont le meilleur temps est de 10 sec 36 est 449e au classement mondial. Au deuxième tour, quoique disqualifié, son chrono ne plaidait pas en sa faveur au vu de celui réalisé par ses concurrents. Ceci revient à poser la question sur les conditions de préparation et de suivi de nos athlètes.
Outre le caractère fédérateur du fondateur des jeux, Pierre de Coubertin, qui a voulu en faire une fête mondiale où tout le monde doit participer, des athlètes de renom à l’affût de titres ont désormais placé la barre haute. Ils mettent plusieurs années pour préparer ces jeux avec à la clé des résultats. La surprise de ces JO d’été est le Tunisien Ahmed Hafnaoui qui a décroché à 18 ans la toute première médaille d’or de son pays en 400m nage libre hommes. Le Togo pouvait-il réaliser un tel exploit ? Oui pense le journaliste sportif Noël Kokou Tadegnon qui a couvert plusieurs évènements sportifs dont les JO. « Pour espérer une médaille olympique, il nous faut, au Togo, un programme échelonné sur le moyen et le long terme. Mais, je miserai plus sur le long terme… Donnons-nous du temps pour « fabriquer » des champions… Je propose que le Togo se donne 8 ans pour se préparer », a-t-il écrit sur sa page Facebook. Des quatre athlètes, Damien Otogbe qui s’est aligné sur le 50 m nage libre était le benjamin parmi les représentants togolais avec ses 18 ans. Il évolue en France, au Centre de Lille. En surclassant ses adversaires au premier tour des séries, le nageur togolais qui a réalisé un temps de 25 sec 68’’’ ne s’est pas retrouvé parmi les 16 premiers qui allaient disputer les demi-finales. Son chrono était loin de ceux de ses concurrents qui ont terminé leur série en 21 sec. Comparaison n’est pas raison mais l’on se rend compte de l’évidence que c’est le jour et la nuit entre le nageur tunisien qui à l’âge de 18 ans a remporté une médaille d’or alors que celui togolais doit se mettre à la recherche d’une nette progression pour se hisser à ce niveau. Cette prouesse a suscité des réflexions chez notre confrère qui propose « qu’on retourne à la base, en sélectionnant des enfants de 8 à 10 ans en fonction de quelques critères sportifs et dans plusieurs disciplines sportives. Ces enfants feront l’objet de suivi, pendant 8 ans, en alliant études et entraînements sportifs. Si le suivi est bien fait avec un accent particulier sur la diététique, il n’y a pas de raison que ces enfants deviennent des champions ». Les recherches démontrent que Ahmed Hafnaoui a débuté la natation à 10 ans avant d’intégrer le centre national en Tunisie deux ans plus tard. En 2018, il a participé aux Jeux Olympiques de la Jeunesse à Buenos Aires en Argentine où il a terminé à la huitième place du 400m et à la septième du 800m puis devenir champion olympique en 2021.
Un autre journaliste togolais, Zeus Komi Aziadouvo, qui a suivi la compétition durant les deux semaines a apprécié le niveau des Afro-américains. Il s’offusque de ce que l’absence d’une véritable gouvernance sportive dans certains pays d’Afrique entraine le retard. « Mon constat, c’est que nos sœurs et frères « black » ont brillé… C’est la preuve que les autres pays africains peuvent leur rivaliser s’il existe une véritable gouvernance sportive, si on met la jeunesse au cœur des préoccupations, si on a compris que le sport peut aussi générer de l’emploi et booster l’économie », s’indigne-t-il. Dans le même sillage de la politique sur le moyen et long terme, le confrère togolais qui fait le lien entre les souvenirs, « Je me souviens que, du collège jusqu’au lycée, il y avait des élèves qui, en saut longueur, avalaient presque le sautoir. Des performances réalisées sur des installations « artisanales » avec une planche (généralement une partie de table-banc) qui, parfois, abîmait la plante du pied des athlètes. Au saut en hauteur, il y en avait qui allaient au-delà des 2 mètres en tombant dans le sable parfois granuleux », et le présent, propose aux autorités sportives de faire autrement la promotion de l’éducation physique et sportive dans les établissements de l’enseignement primaire et secondaire pour dégager des talents qui vont s’éclore à travers des programmes spécifiques. « Nous avons beaucoup de sportifs au Togo, des talents qui dorment dans nos écoles, que nous pouvons valoriser. Avant que le monde ne se COVIDivise, souvenons-nous du nombre de jeunes qui envahissent la plage, les boulevards, les pavés, les « échangeurs » made by Togo, les aires de jeu ! Nous pouvons faire quelque chose pour cette jeunesse. Nous pouvons faire flotter davantage le très joli drapeau togolais parmi ceux des vainqueurs », a-t-il fait remarquer.
L’effet surprise : A éviter
La participation d’un athlète à une compétition nécessite une programmation dans la durée. Des quatre représentants togolais à ces jeux, seule Claire Akossiwa Ayivon a obtenu sa qualification au tournoi zonal qui a eu lieu du 3 au 13 octobre 2019 en Tunisie. Classée 4e au plan africain, elle disposait moins d’un an d’intense préparation avant les JO avant que la crise sanitaire ne vienne remettre le calendrier à plus tard. Malgré ce report, elle n’a pas pu réaliser ses vœux. De l’élimination au premier tour, elle s’est retrouvée au repêchage puis au match de classement. Le choix porté sur Dodji Kokou Fanny évoluant à Westchester Tennis de Table club aux Etats-Unis comme joueur-entraineur était celui de l’effet surprise. Grâce à la place d’universalité, il a participé à 34 ans à ses premiers jeux. Durant les trois dernières années, le pongiste togolais ne s’est pas préparé pour cette compétition olympique car sa désignation est survenue à quelques mois du début des JO. La Solidarité olympique donne la possibilité aux CNO qui n’ont aucun athlète qualifié, de demander des places d’universalité et des places sur invitation tripartite (CIO, CNO et la fédération internationale). Et pour bénéficier des places sur invitation tripartite, il faut être éligible. Dodji Kokou Fanny classé 215e joueur mondial reconnait avant le début des préparatifs que « cette année, bon nombre de compétitions ont été reportées. Néanmoins, j’ai pris part à trois tournois Open aux Etats-Unis dont j’ai remporté un et éliminé à deux reprises au stade des quarts de finale. Aussi j’ai pris part à un stage de quelques jours au centre de Nantes en France ». Cela dénote que ses préparatifs étaient insuffisants pour le sport de haut niveau. Le résultat, il a été éliminé dès le premier tour par son adversaire, le Croate Gacina.
Des leçons à tirer de cette participation du Togo aux Jeux d’été, les autorités sportives doivent mettre en place une véritable politique sportive applicable sur le long et moyen terme. La ministre des Sports, Dr Lidi Bessi Kama, qui a fait le déplacement de Tokyo doit se rendre compte des manquements dans la gestion sportive mais aussi de l’absence d’infrastructures sportives pour permettre au Togo de titiller le haut niveau. Le Togo regorge de talents et mérite mieux. Les gouvernants doivent accentuer l’élaboration d’une politique nationale sportive et mettre les moyens matériels, financiers et humains conséquents. Paris 2024, c’est demain. Dès lors mobiliser les efforts pour mettre en place un processus de détection des talents dans les différentes disciplines sportives capables de générer des champions pour leur intégration et le suivi dans les centres d’excellence. D’ici 8 ans, le Togo peut disposer des sportifs de haut niveau capable de gagner une médaille aux JO Los Angeles 2028. Un exemple cité par le confrère Noël Kokou Tadegnon est celui de la France. L’équipe de France de volley a mis neuf ans pour gagner l’or olympique cette année. Laurent Tillie, le sélectionneur de l’équipe de France de volley a travaillé pendant 9 ans pour arriver en finale des JO et gagner l’or. Alors que son équipe ne s’est pas qualifiée pour les JO 2012 à Londres, il a programmé la première séance d’entrainement après l’élimination sur le jour de la cérémonie d’ouverture des JO de Londres. Le message était clair : travailler pendant 9 ans pour bâtir une équipe et gagner une médaille olympique. Absente aux JO de Londres, l’équipe de France de Volley est championne olympique en 2021.
Le président du Comité National Olympique du Togo, Deladem Akpaki, arrivé à la tête de l’institution en décembre 2020 pour sa part doit créer les conditions permettant aux fédérations nationales sportives susceptibles de produire des champions de bénéficier des bourses olympiques pour les centres d’excellence avec si possible des conventions d’objectifs pour les athlètes. C’est à ce seul prix que le Togo pourra retrouver le sommet olympique. « Donnons-nous du temps et des moyens pour « fabriquer » des champions », souhaite Noël Kokou Tadegnon.
Mawusse Melegna (L’Equipe Sportive N°342)