Depuis quelques jours, l’actualité du football national est nourrie par les ressacs de la nomination du nouveau sélectionneur de l’équipe nationale de football fanion. Le nouveau patron de Djene Dakonam et compagnie se nomme Nibombé Daré. Si le nom est bien connu dans le landerneau sportif national, si d’aucuns peuvent bien se remémorer ses performances à la Modèle, à Asko ou à l’AS Douanes, si certaines bonnes mémoires peuvent témoigner que le grand monsieur d’environ 200 centimètres fut l’un des tout premiers footballeurs africains à se risquer en Azerbaïdjan, très peu peuvent donner leur tête à couper pour soutenir que tout ira à merveille sous sa houlette. Nibombe Daré arrive en fait à la tête des Eperviers au moment où tout le monde, ou presque, est attaqué par le virus du doute et du désespoir. Cela en rajoute à son équation. Le moins qu’on puisse dire, sur le moment, est que ce qui l’attend n’est pas du tout une sinécure.
Disons-le de façon tranchée, sans vouloir apeurer le nouveau sélectionneur (encore faut-il savoir s’il est possible de faire peur à un géant de son genre) : ce qui l’attend n’est pas une petite affaire et il lui faudra tout simplement mettre les petits plats dans les grands. Il s’agit de retrousser les manches, se serrer les dents et affronter le défi qui n’est pas petit. Ce n’est pas infondé de le répéter. Sa situation est pareille à celle du peuple juif qui se trouve devant la Mer Rouge et qui se rend compte que Moïse n’est pas encore arrivé. Il faut attendre. Espérer. Sans savoir ce qui pourra se passer.
S’imposer et en imposer
Pour sauver le peuple togolais du football qui se trouve devant la Mer Rouge depuis quelques années, Nibombe Dare doit agir sur des leviers essentiels. Le premier, c’est son rapport à ses employeurs et à toute la coterie qui tourne autour de la sélection. « Personne n’y fait attention mais il me semble que l’une des conditions de succès de sa mission, c’est de mettre les garde-fous afin d’éviter d’être une marionnette. Si Daré veut réussir, il lui faut créer les conditions de sorte que ni le ministre, ni le président de la fédération, ni les membres du Comex, encore moins les intermédiaires de joueurs ne voient en lui un « agent » dont ils peuvent se servir pour atteindre leurs objectifs égoïstes », explique une source.
Selon elle, Daré a intérêt à imposer sa personnalité et son mode de fonctionnement à tout le monde. Il s’agit d’être discipliné soi-même puis d’imposer cette discipline autour de soi. Cela passe par les choix et les attitudes dès les premiers moments de son exercice. « S’il donne le sentiment qu’il peut servir tout le monde, s’il laisse des gens décider pour lui, s’il ne peut pas être ferme sur ses positions et exiger le respect dû au sélectionneur, peu importe la couleur de sa peau, il sera une figurine de plus aux mains de ceux qui aiment utiliser la sélection pour servir leurs humeurs et leurs intérêts triviaux », explique la source.
En outre, pour réussir, Dare doit tirer leçon de la malheureuse expérience des sélectionneurs togolais qui l’ont précédé au poste. On a déjà évoqué l’intérêt pour lui d’avoir de la personnalité et de refuser d’être la marionnette des profiteurs. L’expérience de ces prédécesseurs est, à cet effet, une boussole bénie pour lui. « Je crois qu’il peut être bien inspiré de demander à rencontrer MM. Banna, Camélio, Mawuena, Tchakala, Abalo pour apprendre de leurs infortunes. Les échecs des autres peuvent nous profiter si nous savons nous y prendre. Il lui revient de savoir comment agir sur ce levier », indique une autre source.
Un autre levier est l’obligation de pénitence. « Cela peut paraître farfelu mais cela peut être utile. Il me semble opportun que Dare se remémore tous les acteurs de ce football avec qui il a eu des litiges, résolus ou non, au cours de ses années en sélection. Je suggère qu’il rencontre ces personnes et qu’il leur présente des excuses, s’il en faut », indique une autre source. Pourquoi faire ? « Celui qui veut aller loin ménage sa monture, disent les Français. Chez nous au Togo, on dit que celui qui ne sait pas courir doit apprendre à se cacher. Le rapport est qu’en allant discuter avec de telles personnes, il se fraie le chemin et met des « ennemis d’hier » dans le groupe des alliés de premier plan », a fait remarquer cette autre source.
À la recherche des CAN perdues !
Si les négociations de contrat aboutissent heureusement, le nouveau sélectionneur sera attendu pour assurer la présence du Togo à la prochaine coupe d’Afrique des nations Maroc 2025. Cela fait bientôt 10 ans que les supporters des Eperviers se contentent de regarder à la télévision la joute continentale du football des nations. L’attente a trop duré, l’adrénaline des échecs et des rêves brisés n’a que trop coulé. Tout le monde attend que le mauvais cycle s’arrête. Nibombe Dare en est-il capable ?
« L’opinion n’a que faire de la réponse à une telle question. Son attente est claire et très simplement exprimée. Si Dare accepte de prendre la tête de la sélection, c’est qu’il se sent capable de relever le challenge », réagit vivement une source. « Il lui revient de chercher et de trouver l’alchimie qui va lui permettre de réussir là où deux prédécesseurs ont échoué. Cela peut paraître violent mais c’est ainsi », a-t-elle précisé.
Pour espérer se qualifier, les Eperviers doivent gagner les matches importants. Contre la Guinée Equatoriale et le Libéria, contre l’Algérie à peu de choses près, ils doivent gagner les matches de Lomé. « Ce sera un grand pas franchi vers le Graal », commente une troisième source. « Tout le monde sait que, pour gagner un match, il faut marquer un but de plus que l’adversaire. C’est justement ce dont les Eperviers sont devenus incapables, surtout dans les matches à enjeux. Le défi principal de Dare est ainsi de trouver l’alchimie pour gagner les matches », a-t-elle ajouté.
Pertinence et intelligence, voilà les armes qu’il lui faudra. « L’héritage de Duarte est là. Un effectif, des pistes de renforts, des matches et des tentatives. Dare sera heureux s’il peut tirer le meilleur parti de cet héritage. Il doit travailler à identifier les faiblesses de la gestion de son prédécesseur et, tel un judoka, transformer ces faiblesses en forces », fait observer la source. Ce qui est sûr, c’est que les attentes sont si grosses qu’il faut bien se demander si l’opinion sera suffisamment courageuse pour remettre à 2027 le rêve d’une nouvelle présence des Eperviers à une phase finale de coupe d’Afrique des nations. La première source conclut : « Pour le moment, il y a des inconnues. Quel type de jeu est la prédilection du défenseur devenu entraîneur de football ? Quels sont les profils de joueurs qu’il préfère ? Va-t-il chambouler les rôles dans l’effectif qui existe ? Ce sont là des questions dont les réponses peuvent orienter aussi l’espoir et le rêve. Faute de les connaître, on ne peut que s’en remettre au sort et croiser les doigts afin que Dare ait toute la chance et toute la rigueur qu’il faut pour combler les attentes. C’est tout le bien qu’il lui faut souhaiter. »
Le dernier mot : tous les Togolais croisent les doigts afin que les négociations de contrat soient couronnées de succès et que très rapidement Nibombe Dare se mette au travail. Vu l’épaisseur du pain sur la planche, il est évident qu’il lui faudra des conditions idéales pour relever le défi. C’est un défi presque herculéen. Pourvu qu’il en ait le coffre !
Kodjo AVULETEY