Pour la deuxième saison consécutive, les sports de mains et de combat n’ont pas droit à des activités sportives au Togo. Par décision gouvernementale en date du 20 mars 2020, suite à l’apparition du premier cas de contamination à Coronavirus, toutes les activités physiques et sportives ont été suspendues. Vers la fin d’année 2020, seule, la FTF a pu obtenir une dérogation spéciale pour la préparation des équipes nationales de catégories inférieures qui devaient être en compétition sur le continent. Puis, cette dérogation a été élargie aux équipes de première et de deuxième divisions pour la participation aux championnats nationaux, saison 2020-2021, après un jeu que l’on pourrait considérer de «Jacques où es-tu ?» entre la FTF et les autorités sportives. Par contre, les autres fédérations nationales sportives sont toujours dans l’attente d’une autorisation de reprise des activités sportives.
Les acteurs des sports de mains et de combat sont lassés de la léthargie dans laquelle s’enlise le sport togolais depuis l’apparition du premier cas de Covid-19. La plupart des fédérations nationales sportives programment leurs activités de mars à décembre. Dans deux mois, la fin d’année. Et pour la deuxième saison d’affilée, ces sports de mains et de combat connaitront une nouvelle saison blanche. L’organisation de compétitions nationales et internationales, de démonstrations, des examens de passage de grade est mise en veilleuse. Jusqu’à quand ?
La gestion de la Covid-19 : le goulot d’étranglement
L’apparition de la Covid-19 a chamboulé le monde avec l’adoption de nouvelles habitudes telles que le respect des gestes et mesures barrières. Peu à peu, la peur qui s’est emparée de l’humanité à cause de la crise sanitaire a commencé par être dissipée avec la découverte de vaccin contre le coronavirus par les laboratoires mondiaux. Les activités sportives suspendues entre temps au plan international ont repris avec des protocoles sanitaires adaptés à chaque discipline. Seulement, au Togo, la reprise progressive des activités sportives a du plomb dans l’aile. En dehors de la dérogation spéciale accordée par le ministère des Sports à la FTF, les autres fédérations nationales sportives sont dans l’expectative. Il y a quelques mois, à travers une note, la ministre des Sports, Cdt Dr Lidi Bessi Kama, invitait les acteurs sportifs à aller se faire vacciner pour l’immunité collective. Des semaines après, c’est le statu-quo.
Avec la reprise des activités sportives dans les pays environnants, il est à loisir de constater une ruée des athlètes togolais vers le Bénin, le Ghana, le Niger ou le Mali. Au risque de délaisser sa passion pour un autre sport comme c’est le cas de Mariette de Souza, joueuse de l’Etoile Filante Basket-ball et de l’équipe nationale, puis de l’AS OTR Volley-Ball club, qui s’adonne depuis quelques mois à la natation à la place de ces deux disciplines citées, ils sont nombreux à aller monnayer leurs talents à l’extérieur à cause de la léthargie dans le sport togolais. Tenez-vous bien, la dernière compétition officielle au Basket-ball remonte au 22 septembre 2019 avec la finale 3 des playoffs de la Ligue Lomé Golfe de Basket-ball. Cette Ligue dont le Bureau Exécutif a été renouvelé le 18 janvier 2020 n’a organisé aucune activité en deux ans. Au Handball, le mandat du Bureau Exécutif de la Ligue Lomé Golfe est expiré depuis bientôt deux ans et la prolongation tacite se poursuit en l’absence d’activité. La gestion de la crise sanitaire au Togo est diversement appréciée. La préservation de la vie des citoyens préoccupe le gouvernement après l’apparition de la variante Delta, une autre forme plus grave du virus à corona. Quoiqu’il soit du ressort de l’autorité politique de veiller sur la vie de ses concitoyens, il est également de son ressort, de veiller au bien-être et à l’épanouissement de la jeunesse par le sport, fait remarquer un observateur sportif qui trouve que la suspension des activités sportives national a entrainé des incidences négatives qu’il serait difficile à surmonter. « Toutes les parties prenantes aux sports de mains et de combat ont perdu deux années de progrès et de développement de leurs disciplines. Le Togo a accusé ainsi deux années de retard sur les autres nations », a-t-il fait savoir.
Les autres disciplines qui ne sont pas logées à la même enseigne que le Football en termes de subventions accordées par l’Etat et d’autres privilèges, continuent de subir ce que l’on peut appeler la politique de deux poids de mesure dans cette crise sanitaire. « Comment peut-on accorder une dérogation au Football et délaisser les autres fédérations nationales sportives qui sont pourvoyeurs de médailles pour le Togo », s’est indigné notre observateur sportif. Le résultat est là avec la participation du Togo au tournoi continental de Beachvolley qualificatif pour les JO Tokyo 2020 qui s’est déroulé au Maroc au mois de mai. Alors que beaucoup de nations ont repris les séances d’entrainement depuis plusieurs mois, les représentants togolais n’ont eu droit qu’à quelques deux semaines de préparation à cause des démarches administratives pour avoir accès au site d’entrainement, la plage, qui était interdit d’accès en raison des mesures restrictives du gouvernement. Même si les techniciens font des remises à niveau par visioconférence, elles ne remplacent pas non plus le contact avec le terrain. Un entraineur de Basketball évoque « la perte de la main et les habitudes d’entraîner ». Il poursuit que « même si nous consultons des manuels et regardons des vidéos, pour un entraîneur la première matière reste le terrain ». La gestion de la Covid-19 envers les sportifs est décrite comme un goulot d’étranglement qu’il est difficile de délier.
La suspension des activités et ses corollaires
A bientôt deux ans sans activités, les acteurs des sports de mains et de contact ne savent plus à quel saint se vouer. L’impact de la suspension des activités sportives va du risque d’abandon de la pratique comme le cas de Mariette de Souza évoqué plus haut à la baisse de niveau considérable des joueurs, à la dégringolade du Togo au classement mondial dans les différentes disciplines, et à la dégradation de l’état des infrastructures existantes. En l’absence d’une réelle politique sportive, les équipes qui souffrent de problèmes de moyens financiers et d’organisation risquent de disparaitre si rien n’est fait. Cette situation arrange d’ailleurs certains présidents de formation qui ne dépensent plus pour les séances d’entrainement, les primes de match et autres. La situation qui effraie est la dégringolade du Togo au classement mondial au niveau de certaines fédérations. Basketball 3×3, le Togo qui était positionné à la 6e place africaine et 50e mondial en 2019 se retrouve désormais à la 16e place africaine et 96e mondial. Une chute vertigineuse au plan mondial. En 2021, le Togo n’est plus classé à FIBA Monde au Basketball 5×5 après avoir occupé la 133e place en 2019. Au sport individuel, les athlètes togolais ont régressé au Ranking, faute d’avoir participé aux compétitions internationales. En outre, le Togo ne disposant pas à ce jour d’infrastructures sportives modernes comme un gymnase ou un hall de sports, le terrain couvert de Basket-Ball du stade omnisports de Lomé qui sert de lieu à la pratique de plusieurs disciplines sportives de salle est dans un état inapproprié pour la pratique desdites discipline en raison de sa non occupation pendant ces deux dernières années.
Maillots, ballons, gants, plastrons, raquettes, rangés, en l’absence d’enjeux, certains pratiquants qui ne veulent pas se laisser à la démotivation vont maintenir leur forme physique dans les salles de gym. Autres corollaires de la décision gouvernementale est l’état dégradé des matériels de certaines disciplines sportives qui ne résistent pas à la chaleur. C’est le cas d’un organisateur d’évènement international au Karaté. « Après deux ans d’inactivité, le Karaté a subi le contrecoup comme toutes les autres disciplines. En tant qu’organisateur d’événements, j’ai l’impression d’avoir perdu une partie de moi-même. J’ai retrouvé des équipements dégradés du fait qu’ils sont restés depuis lors au magasin », a regretté le responsable du Challenge qui regroupe chaque fin d’année plusieurs compétiteurs de la sous-région en Kumité et Kata.
Rattraper le retard
Quel est le tort des sports de mains et de combat à ne pas bénéficier d’une dérogation spéciale. Au départ, le Handball et le Basket-ball, où se dispute le ballon de la main avec des contacts réguliers n’étaient pas éligibles pour la reprise progressive des activités. Il est évident qu’à ce jour, le Togo a accusé du retard dans les sports de mains et de combat après deux saisons sans activité. Pour rattraper ce retard, tous les acteurs concernés sont unanimes à ce que chaque fédération adopte, selon sa réalité, le protocole sanitaire élaboré par lesdits acteurs lors du troisième trimestre de l’année 2020 sur initiative du ministère des Sports avec le concours du Comité National Olympique du Togo (CNO Togo). L’élaboration de ce protocole sanitaire a tenu compte de la spécificité de chaque discipline en termes de sports individuels et sports collectifs. Outre ce protocole, chaque fédération internationale a élaboré le sien qui peut être adapté en tenant compte des réalités togolaises pour la levée de la suspension. Les athlètes et techniciens ont cette envie de renouer avec les terrains de jeu pour vivre des sensations uniques. Et chacun y va avec ses pistes de solutions qui sont adaptables à la situation actuelle. L’entraineur de Basket-ball préconise de « faire preuve d’une grande capacité de résilience et de s’inscrire dans un processus endogène de gouvernance sportive qui sera axée d’abord sur une formation améliorée et de qualité à la base. Ensuite, cette gouvernance doit améliorer le cadre et les conditions de pratique avec la construction de nouvelles infrastructures aux normes modernes et la réfection de celles déjà existantes ». En dehors de quelques fédérations nationales sportives qui ont élaboré et réalisé des projets de formation à la base à l’instar du Volley-Ball, du Handball, du Basket-ball, du Tennis, du Tennis de table, d’autres vont éprouver des difficultés lors d’une relance des activités.
Un technicien de Volley-Ball suggère à ce que le ministère des Sports autorise la reprise des entrainements avant les compétitions. Il explique sa démarche par le fait qu’ « un muscle qui ne travaille pas s’atrophie et un athlète qui a des acquis et des compétences qu’ils n’utilisent pas les perd. Et que les athlètes ont déjà perdu la forme suite à l’absence cruciale d’entrainement et qu’il faille tout reprendre ». La levée de la suspension même si elle advient dans les prochains jours, les entraineurs d’équipes auront du pain sur la planche car il lui faudra tout un programme pour permettre aux athlètes de revenir à leur meilleur niveau. « Il faudra proposer une planification objective d’entrainement et surtout respecter les principes de progressivité et de variation des charges, ensuite passer à la réathlétisation progressive avant les périodes de compétition, ceci pour permettre aux athlètes de se prévenir contre les blessures surtout cette longue période d’inactivité », a-t-il analysé. Les suggestions d’une reprise progressive des activités sportives sont les bienvenues mais il faut compter aussi avec le Comité national de gestion de Riposte contre la Covid-19 qui a également son mot à dire dans la gestion de la pandémie au Togo. Toutefois, le dernier mot revient au ministère des Sports qui doit plaider pour l’épanouissement de la jeunesse à travers le sport.
Mawussé MELEGNA