Face à la disparité entre clubs amateurs et clubs professionnels en coupes interclubs, la CAF a introduit progressivement depuis 2015 la Licence club pour tous les clubs devant prendre part aux compétitions interclubs. Les clubs amateurs sont tenus de remplir un cahier de charges minimales dont les critères à remplir sont décrits dans les règlements nationaux. Tant bien que mal, des pays dont le Togo qui organisent un championnat de statut amateur engagent des équipes en compétitions interclubs. Mais d’année en année, de nouvelles exigences de la CAF viennent se greffer au risque de ne plus laisser place aux équipes de championnat à statut amateur.
Pour la CAF, la Licence n’a pas été créée dans le but de pénaliser les clubs mais plutôt les accompagner par une transformation nécessaire pour répondre aux besoins de l’opinion publique, rendre le football beaucoup plus séduisant et plus compétitif à l’international dans chaque pays membre de la CAF. En effet, la participation d’un club aux compétitions interclubs de l’instance continentale est soumise à l’octroi de la Licence Club par les fédérations. Pour y parvenir, il y a une procédure à suivre pour l’octroi de la Licence aux clubs avec des critères à remplir décrits dans les règlements nationaux. Un point à ne pas négliger : « seuls les clubs qui remplissent les exigences des règlements et qui se sont qualifiés sur la base de leurs résultats sportifs sont autorisés à participer à la procédure d’admission aux compétitions interclubs de la CAF. Chaque place laissée vacante par un club qualifié sportivement mais ne remplissant pas les exigences est systématiquement comblée en conformité avec les règlements en vigueur ». De ce fait, la licence est délivrée pour une ou plusieurs saisons. Elle expire sans préavis à la fin de la dernière saison pour laquelle elle a été émise et peut être révoquée durant la saison par les instances décisionnaires.
La Licence club CAF et les équipes togolaises
Chaque année, la FTF organise des formations aux équipes susceptibles de se qualifier pour les compétitions interclubs afin de leur expliquer les conditions minimales à remplir pour obtenir la Licence club. Le Togo jouissant d’un statut d’amateur, une source à la FTF indique que la procédure de licence club n’est pas véritablement appliquée aux équipes qualifiées pour participer aux compétitions interclubs de la CAF. Les raisons sont toutes simples. « La plupart de nos clubs éprouvent d’énormes difficultés à mettre en place une véritable administration, base élémentaire de la licence club. Très peu disposent de locaux et de personnel qualifié. Il en résulte que les clubs ne font pas toujours le nécessaire pour conserver leur licence club. Dès leur élimination des compétitions interclubs, tout ce qui a été construit est peu à peu oublié », a évoqué notre source.
Pour l’obtention de la Licence Club, « les candidats à la licence doivent respecter des exigences minimales définies par différents critères imposés, à savoir : les critères sportifs, les critères d’infrastructure, les critères administratifs et liés au personnel, les critères juridiques et les critères financiers ». Ces critères sont répartis en trois classes distinctes : Critères « A » : Si le candidat à la licence ne remplit pas tous les critères A, il ne pourra pas bénéficier de la Licence Club. Critères « B » : Si le candidat à la licence ne remplit pas un critère B, il se verra imposer par la commission d’octroi de la Licence Club une (des) sanction(s) définie(s) dans les Règlements Généraux de la FTF, mais pourra néanmoins bénéficier de la Licence Club. Enfin, le critère « C » est un critère de bonnes pratiques dont le non-respect n’est pas sanctionné.
Depuis l’avènement de la Licence club CAF, AS Togo Port de Lomé et Semassi de Sokodé (2016-2017), US Koroki de Tchamba et Gomido de Kpalimé (2017-2018) ; ASCK et Maranatha (2018-2019) ; ASKO et Unisport (2019-2020) ; ASKO et ASCK (2020-2021) ont obtenu leur licence club CAF auprès de la FTF. A travers la Licence club, la CAF prône la professionnalisation des clubs, ceci à travers l’organisation de championnat professionnel. D’ailleurs, l’instance africaine de football rappelle que « le souci de professionnalisation est évident lorsque l’on regarde les critères de la Licence Club en matière de diplômes et de formation du personnel des clubs ou dans les objectifs fixés en matière d’infrastructures et d’administration ». Le processus de professionnalisation du football togolais n’est pas encore mis en branle. Néanmoins, les textes du pays l’autorisent avec l’adoption à l’Assemblée nationale en mai dernier de la loi n° 2021-008 fixant les règles d’organisation, de développement et de promotion des activités physiques et sportives au Togo. Il est écrit au chapitre 6 intitulé : « de la promotion et de la protection des activités physiques et sportives », section 2 « du sport de haut niveau et professionnel » alinéa 1 : « l’Etat et les associations sportives nationales concernées travaillent à la professionnalisation de la pratique des activités sportives au Togo en encourageant notamment la création des ligues professionnelles ».
Revoir l’organisation du football au Togo
Avec l’introduction progressive de la Licence club, la CAF a voulu accompagner les clubs à mieux s’organiser en interne pour rendre un spectacle et un sport encore plus attractif pour les joueurs, le public et les personnes qui font vivre et vivent du football. Au fil du temps, il est évident que l’instance continentale du football veut amener tous les clubs à la professionnalisation par le biais de la Licence club. Le Directeur du Développement CAF, Raul Chipenda, explique que « l’octroi de licences aux clubs fonctionne normalement comme le moteur du développement du football, que ce soit au niveau des fédérations ou des confédérations. Pourquoi ? Eh bien, parce que c’est à travers ce mécanisme que l’on pourra mettre en place des critères de participation aux compétitions et qui auront un grand impact sur le développement du football dans le pays ou sur le continent ».
Les objectifs de la Licence Club tels que définis sont clairs notamment poursuivre la promotion et l’amélioration constante de tous les aspects du football et continuer de donner la priorité à la formation et à l’encadrement des jeunes joueurs dans chaque club ; veiller à ce que les clubs aient un niveau de gestion et d’organisation approprié ; adapter l’infrastructure sportive des clubs de manière à mettre à la disposition des joueurs, des spectateurs et des représentants des médias des installations adaptées, bien équipées et sûres ; permettre le développement du benchmarking entre clubs sur des critères financiers, sportifs, juridiques, d’infrastructure, administratifs et liés au personnel ; améliorer les performances économiques et financières des clubs et à renforcer leur transparence et leur crédibilité ; accorder l’importance nécessaire à la protection des créanciers et à s’assurer que les clubs s’acquittent de leurs dettes envers le personnel, les administrations sociales et fiscales et les autres clubs dans les délais.
A scruter la procédure de la CAF pour l’octroi de licence aux clubs, le Togo a du pain sur la planche. Un travail à la base doit être commencé dès à présent par les formations togolaises. Les équipes doivent dépasser l’étape d’association à but non lucratif d’un football loisir pour commencer par se constituer en société sportive avec des projets sportifs accrocheurs pour bénéficier de l’action des partenaires en vue de leur réalisation car il y a un avantage pour les clubs à adhérer aux licences club. « L’avantage majeur c’est la professionnalisation. L’obligation pour tous les clubs de se doter d’un programme écrit de développement des joueurs et d’un suivi médical des joueurs permet aux clubs d’avoir un politique qui s’inscrit dans la durée », a-t-on expliqué. A ce jour, le seul stade homologué pour les rencontres internationales est le stade de Kégué. Les stades municipaux dont disposent le pays ne sont pas homologués. Ils doivent être adaptés et développés puis des terrains annexes doivent être aménagés pour les entrainements. L’absence de catégories de jeunes interpelle également. Telles que les choses se dessinent, il se peut que la CAF envisagerait les compétitions interclubs des jeunes comme cela se passe ailleurs. Un travail de fourmis qui doit être fait en un temps record si tant est que les équipes togolaises rêvent toujours de participer aux compétitions interclubs. Cette année, les deux représentants togolais : ASKO de Kara en Ligue africaine des champions et ASCK (Association Sportives des Conducteurs de la Kara) ont dû se passer respectivement de Jean-Paul Abalo et de Jonas Kokou Komla, leurs entraineurs principaux, pour non-respect des Licences entraineurs CAF. L’une des exigences pour entrainer un club en compétitions interclubs cette saison est que l’entraineur titulaire dispose d’une licence A CAF et son adjoint d’une licence B CAF. Les équivalences de diplôme d’entraineurs n’ont pas été prise en compte. Et le directeur du développement s’est justifié par le fait qu’« aujourd’hui, nous parlons du niveau des entraîneurs pour encourager le développement de la formation des entraîneurs à travers le continent. Cela conduira les Associations Membres à mettre en œuvre les mêmes critères dans leurs pays et ainsi nous pourrons amener les entraîneurs à un niveau supérieur ».
Il est bien vrai que c’est la FTF qui délivre la licence club mais au regard des exigences qui se complètent en chaque début de campagne africaine, si rien n’est fait dans un futur proche en termes d’organisation du football au Togo, les équipes togolaises qualifiées pour les coupes interclubs risquent de ne pouvoir s’engager par faute de Licence club car les conditions minimales ne pourront plus être remplies. D’ailleurs, il y a quelques mois, Raul Chipenda avançait l’idée « nous pouvons dès demain rendre obligatoire pour chaque club d’avoir une équipe féminine de football, d’avoir au moins deux équipes des jeunes U-15 et U-17 dans les deux sexes, etc. Avec ces critères, nous allons « obliger » les clubs à investir dans le football féminin et dans le football des jeunes. Je pense donc que si nous voulons tous voir la qualité de notre football en général atteindre d’autres niveaux, nous devons élever la barre des exigences pour motiver le changement ». Eh bien ! avant le démarrage de la campagne africaine 2020-2021, de nouvelles exigences ont été portées à la connaissance des associations membres pour les prochaines compétitions interclubs. Muhammad Sidat, Senior Manager Licensing Club CAF, a déclaré qu’un « club doit avoir une équipe féminine avant d’être autorisé à participer à la Ligue des champions de la CAF 2022-2023 et aux prochaines éditions ». Notre source à la FTF prévient que « le système de licence club évolue d’année en année. Et les règles deviennent de plus en plus corsées. Bientôt, toute la procédure d’obtention de licence club se fera uniquement en ligne. Et les clubs qui n’auront pas le personnel qualifié ne pourront pas suivre la cadence. A cela, il faut ajouter les nouvelles exigences, notamment pour les catégories de jeunes et le football féminin ». De nouvelles règlementations qui interpellent à la professionnalisation du football togolais afin de prendre le train du développement du football en Afrique.