Elles avaient porté haut les couleurs du Togo. En 2022, les Éperviers Dames signaient une page historique en participant pour la première fois à la Coupe d’Afrique des Nations féminine de football. L’événement avait fait naître un formidable espoir : celui d’un football féminin enfin reconnu, structuré et prometteur. Trois ans plus tard, le rêve s’est effondré.
L’équipe vient de rater une deuxième qualification consécutive pour la CAN, confirmant le retour brutal à une réalité inquiétante : le football togolais, qu’il soit masculin ou féminin, tourne à vide.
Cette élimination est d’autant plus douloureuse qu’elle survient après une période où tout semblait possible. À la suite de la CAN 2022, plusieurs joueuses avaient décroché des contrats à l’étranger (au Maroc, en RDC, en France)
Une reconnaissance du potentiel togolais, et une promesse d’avenir radieux pour toute une génération. Mais cette réussite individuelle n’a pas eu d’effet collectif. Le Togo n’a pas su transformer cet élan en projet national.
La sélection féminine, au lieu de bâtir sur ses acquis, s’est peu à peu éteinte dans le silence et le manque d’ambition. Mais aussi avec des problèmes à l’interne, des querelles intestines nées des blessures émotionnelles jamais guéries.
Aujourd’hui, les Éperviers Dames donnent l’image d’une équipe sans souffle, sans plan, sans continuité. On parle de reconstruction, mais rien ne se construit vraiment. Les matchs se suivent et se ressemblent : imprécision, fébrilité, manque d’expérience.
L’encadrement technique fait peut-être ce qu’il peut, mais comment progresser sans un environnement favorable ? Le football féminin togolais souffre d’un mal profond : l’absence de vision.
La réalité est ainsi implacable. Il n’existe pas de politique nationale claire pour développer le football en général, le football féminin en particulier. Le championnat local reste fragile, peu attractif, souvent interrompu, faute de moyens. Les clubs survivent dans des conditions précaires, les joueuses ne bénéficient pas d’un encadrement adapté, et la formation des jeunes filles demeure quasi inexistante.
La Fédération Togolaise de Football porte une part évidente de responsabilité. Elle n’a pas su capitaliser sur la dynamique de 2022. La première qualification aurait dû servir de tremplin pour bâtir une génération durable, créer un cadre de suivi, investir dans la formation. Au lieu de cela, la sélection est restée une aventure ponctuelle, sans véritable stratégie. L’État, pour sa part, n’a pas pris la mesure de l’enjeu : le football féminin, loin d’être une affaire secondaire, doit devenir un levier de développement social et d’émancipation pour la jeunesse féminine. Ce nouvel échec freine la progression du football féminin au Togo, refroidit les ardeurs des sponsors déjà difficiles à trouver et décourage les vocations. Il prive les jeunes filles de modèles et le pays d’une visibilité positive. Il entretient surtout le sentiment d’un éternel recommencement, d’un sport qui refuse d’apprendre de ses erreurs.
Pourtant, tout n’est pas perdu. Le Togo dispose d’un vivier réel et d’un capital humain prometteur. Il faut simplement oser une refondation. Repenser la formation, relancer un championnat structuré, renforcer l’encadrement des clubs, créer un programme national de détection des talents et, surtout, donner aux entraîneurs les moyens de travailler. Le football féminin ne peut plus être une vitrine occasionnelle : il doit devenir une priorité stratégique.
Le Togo est ainsi à la croisée des chemins. Soit il continue à regarder ses talents partir et ses rêves s’éteindre, soit il décide enfin de bâtir. Car dans ce pays où le football est bien plus qu’un sport, redonner espoir aux Éperviers Dames, c’est redonner vie à tout le football togolais.
Aimé EKPE

